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Or vert de la tunisie

L’oléiculture en tunisie, 2000 ans d’héritage!

Un savoir-faire considéré comme étant un patrimoine culturel ; transmis de père en fils, sur des générations, voire même des civilisations, et dont la Tunisie bénéficie jusqu’à présent : C’est bien l’Oléiculture. Cette pratique s’est bien ancrée dans l’histoire de notre pays qui fut successivement Punique, Romain, Vandale, Byzantin, Arabo-musulman, Ottoman, Husseïnite et sous protectorat Français avant d'accéder à son Indépendance en 1956.

Tout a commencé au VIIIe siècle av. J.-C, lorsque les Phéniciens, fondateurs de Carthage, ont amené l’Olivier du Moyen-Orient en Tunisie et ont commencé à faire propager cette culture où et quand ils le pouvaient. En effet, après avoir affirmé sa prospérité maritime sous l’empreinte de Magon, soit de 550 à 450 av. J.-C, l’aristocratie Carthaginoise s’est tournée vers l’agriculture et a commencé à imaginer des systèmes de cultures perfectionnés, et c’est ainsi que la vigne et l’olivier ont eu tout l’intérêt !

A l’arrivée des Romains en Afrique du Nord, les Berbères savaient déjà greffer les oléastres et, sur le territoire occupé par les Carthaginois, les plantations d’olivier commençaient à conquérir du terrain. Ces derniers avaient bien compris que l’olivier était l’arbre par excellence de la région du Tell et qu’il s’adaptait parfaitement aux conditions physiques des zones qu’ils avaient occupées. Ils ont donc profité de l’expérience punique et ont étendu cette culture sur l’ensemble de leur empire. Leur désir de transformer l’Afrique en une région productrice d’Huile d’Olive est allé jusqu’à la promulgation de lois encourageant la création d’oliveraies, et accordant des avantages aux paysans qui créaient des olivettes sur des terres incultes ou qui remplaçaient les vieilles plantations par des nouvelles.

De la période punique aux six siècles de présence romaine, l'olivier est devenu une culture arbustive de première importance, et l'Africa (Ifrikya) le premier producteur d'huile du monde méditerranéen. Tacite, l'historien romain du premier siècle mentionne alors que " la production de la province d'Africa constitue la plus grande partie d'huile baignant l'ordinaire de l'Empire romain".

Des écrits anciens témoignent de la présence d’oliviers, à cette époque, dans l’ile de Cyraunis (l’actuelle Kerkena), au Cap-bon, dans le Bysacium et plus particulièrement autour d’Hadrumète (Sousse) et qu’ils ont même atteints les steppes de Kasserine et dans le sud autour de Zarzis et de l’ile de Djerba.

De la période punique aux six siècles de présence romaine, l'olivier est devenu une culture arbustive de première importance, et l'Africa (Ifrikya) le premier producteur d'huile du monde méditerranéen. Tacite, l'historien romain du premier siècle mentionne alors que " la production de la province d'Africa constitue la plus grande partie d'huile baignant l'ordinaire de l'Empire romain".

C’est ainsi, avec son commerce florissant, que l’huile d’olive est devenue une source de richesse de toutes les civilisations qui ont marqué l’histoire de la Tunisie. Les richesses récoltées grâce au commerce de l’huile d’olive étaient telle que sous les Romains elle a justifié la construction de palais, de villas, d’aqueducs, de cités et du fameux amphithéâtre d’El Jem — le troisième du monde antique, après celui de Capoue et le Colisée de Rome (Leveau P.)

Parmi les innombrables ruines romaines qui couvrent l’Afrique du Nord de nos jours, la présence très fréquente de pressoirs ou de moulins à huile atteste de la grande extension de la culture de l’olivier dans le sud de la Méditerranée. De même, Les fouilles à Sufeitula (Sbeitla actuelle) et Thysdrus (El Jem) ainsi que les mosaïques romaines découvertes dans la région de Sousse démontrent, qu’historiquement, la culture d’oliviers se répandait sur toute la Tunisie (Camps-Fabrer H., 1985).

Oléiculture

Huilerie Romaine du site archéologique de Sbeitla

La civilisation Arabo-musulmane a marqué une période d'âge d'or qui a apporté une unité de la langue et de la foi et a contribué au développement de l'artisanat, du commerce et de la construction navale, certes, mais pas de l’oléiculture !

Puis, sous les Vandales et les Byzantins, malgré le maintien de l’oléiculture attestée par la présence d’huileries installées sur d’anciennes voies romaines, une lente dégradation de la culture de l’olivier et de la production d’huile s’est malheureusement amorcée.

Et même si l’historien « El Yaquoubi » avait décrit que l’olivier régnait déjà dans la région de Sfax au 9ème siècle, la conquête Arabe au 7ème a engendré un ralentissement remarquable de la production de l’huile d’olive, suivi d’une disparition graduelle des oliveraies. Les cultures de l’Est ont beaucoup souffert des luttes entre Berbères et Arabes et les derniers coups leur ont été portés après l’arrivée des Hilaliens au 11ème siècle, lorsque la vie nomade supplanta la vie sédentaire, et que les hautes plaines furent vouées aux céréales et les régions occidentales aux plantations de la vigne (Camps-Fabrer H., 1985).

La civilisation Arabo-musulmane a marqué une période d'âge d'or qui a apporté une unité de la langue et de la foi et a contribué au développement de l'artisanat, du commerce et de la construction navale, certes, mais pas de l’oléiculture !

Ceci dit, durant l’époque Turque et la colonisation française, un effort de replantation de l’olivier a été déployé surtout dans le Sahel tunisien, les Hautes plaines du Nord, Béja, Siliana, le Kairouannais, Sidi Bouzid et la presqu’île de Zarzis.

Si la région de Sfax est si connue pour ces oliviers, c’est grâce au français « Paul BOURDE » et du miracle qu’il a accompli dans la région lors de la colonisation française. Journaliste et écrivain, il a été nommé Directeur de l’Agriculture et des Contrôles Civils en Tunisie à l’époque. C’est lui qui a fouillé manuscrits et terrains, découvert des ruines de moulins à huiles et rassemblé des preuves sur l’existence, autrefois, d’une forêt d’olivier, plantée par les Romains puis délaissée par les Arabes quelques siècles plus tard, dans la région de Byzacène (Denoyer P., 1951). Il a même dressé une carte de la région et a montré que les aqueducs anciens pouvaient irriguer plus de 7 à 8000 hectares autour des villes, et que de cette manière, la culture de l’olivier peut réussir, avec les seules pluies du ciel, qui se faisait déjà rare à l’époque. C’est ainsi qu’il a prêté serment de faire revivre la région, et la culture de l’olivier.

En un an, grâce aux diligences de BOURDE, grâce à la mobilisation de vastes espaces disponibles, on enregistra plus de 800 demandes de concessions portant sur près de 60000 hectares qui furent bientôt plantés en partie par le truchement d'associations entre colons européens et métayers indigènes (contrats de Megharsa) (Voizard P., 1914).

Plusieurs vestiges des huileries antiques existent toujours en Tunisie, réparties du Nord au Sud, et témoignant des différents systèmes d’extractions utilisés auparavant, et dont certains le sont jusqu’à nos jours. A titre d’exemples, on retrouve actuellement à travers le pays les diverses phases de l’évolution de l’Oléifacture. De l’antiquité on conserve à Tataouine et Ben Gerdane le procédé d’extraction par l’eau ou Darb el Ma. Dans la région de Djebel Matmata, on utilise la presse de l’époque Romaine, avec son moulin à pierre, m’dar, et une presse fabriquée à l’aide d’un tronc de palmier, maasra. Les mêmes systèmes avec broyeurs et presses ont été perfectionnés ; mais l’introduction des machines européennes, après 1881, a beaucoup influencé la production autochtone. Et c’est ce qu’on va découvrir dans nos prochains articles (Laitman L., 1953).

Les produits de l’olivier font également fonctionner une toile industrielle qui renferme plus de 1692 huileries; offrant une capacité de trituration de 34 000 T/jour, et d’une capacité théorique de stockage de 350 milles tonnes ; 10 usines d’extraction d’huile de grignon, 13 unités de raffinage des huiles alimentaires, 35 unités de conditionnement dont 24 sont spécialisées en huile d’olive. Pour l’année 2018, seulement 327 huileries sont actives (ONH, 2018).

Aperçu sur l’état actuel du secteur :

De nos jours, les plantations tunisiennes s’étendent sur une superficie de 1.8 millions d’ha renfermant 88 millions de pieds d’oliviers. Cette forêt oléicole tunisienne représente 20 % de la superficie oléicole mondiale faisant ainsi de notre pays le possesseur de la deuxième plus grande forêt oléicole après l’Espagne. L’olivier à huile s’étend sur la totalité des terres agricoles du pays, couvrant ainsi près de 80% des superficies arboricoles et 36% du total des superficies labourables de la Tunisie.

Les produits de l’olivier font également fonctionner une toile industrielle qui renferme plus de 1692 huileries; offrant une capacité de trituration de 34 000 T/jour, et d’une capacité théorique de stockage de 350 milles tonnes ; 10 usines d’extraction d’huile de grignon, 13 unités de raffinage des huiles alimentaires, 35 unités de conditionnement dont 24 sont spécialisées en huile d’olive. Pour l’année 2018, seulement 327 huileries sont actives (ONH, 2018).

Selon l’ONAGRI, cette culture représente ainsi 6% de la production agricole totale de la Tunisie en valeur, près de 2% de son PIB, 30 à 40 % de ses exportations agricoles et 3% de la valeur totale de ses exportations. Elle offre aussi 20% de l’emploi agricole, en procurant 50 millions de journées de travail par an, auquel il faut ajouter les emplois créés dans les structures industrielles et commerciales.

Pour la production nationale d’olives de la campagne 2017/2018, l’ONH a signalé que la Tunisie a atteint 400 mille tonnes et a permis d’extraire environ 280 mille tonnes d’huile d’olive. Ceci a fait que la Tunisie soit classée comme le pays ayant enregistré le plus fort taux de progression de son stock d’huile d’olive grâce avec une hausse de 160% par rapport à la saison écoulée.

Pour la même campagne, les exportations de l’huile d’olive Tunisienne ont enregistré une hausse en quantité de 124,57% et de 157,53% en valeur depuis le début de la saison jusqu’au 31 Mars 2018 (MARHP, 2018). Selon le COI, et jusqu’au 30 Avril 2018, ces exportations ont atteint 125 435 Tonnes avec un revenu de 1356 Million de Dinar. Ces exportations sont réparties entre des exportations en vrac estimées à 125 435 tonnes ; et un revenu de 1243 Million de dinar ; et des exportations d’huile conditionnée estimées à 8967 tonnes ; soit 113 Million de dinar.

Mais comme nous avons parlé de la diversité des civilisations qui ont parcouru nos terres au fil des siècles, il faut aussi parler de la diversité génétique des cultivars d’olivier qui ont apparu, quel que soit suite au greffage, à la transplantation ou à l’effet Gène-Environnement dû à la répartition géographique très étendue de la culture.

Ainsi, le territoire Tunisien regorge de plusieurs variétés d’olivier, chacune possédant ses propres caractéristiques. Les deux principaux cultivars sont Chemlali et Chétoui. Les autres cultivars, dits secondaires, sont caractéristiques de certaines régions. Elles incluent Ouslati ou Leguim (Kairouan et Sud de Siliana), «Chemchali» (Gafsa), «Zalmati», « Chemlali» (Zarzis), «Jarboui» (Nord-Est), «Rkhami» ou «Barouni» (Cap Bon), «Marsaline» (Zaghouan et Siliana). Cette diversité génétique associée à la répartition géographique ont permis à la Tunisie d’avoir des huiles d’olive tellement diversifiées qu’elles arrivent à satisfaire tous les goûts, tant du point de vue caractéristiques physico-chimiques qu’organoleptiques des huiles.

Mais avant de parler des qualités physico-chimiques et organoleptiques de nos huiles d’olive, nous allons tout d’abords, à travers notre prochain article, essayer de savoir comment mettre en place une oliveraie, comment choisir le terrain, la variété, la densité de plantation, et tous les détails techniques connexes. Donc, suivez-nous !

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Références Bibliographiques :

Ater M., Essalouh L., Ilbert H.,Moukhli A.M., Khadari B. 2016.L’Oléiculture au Marocde la préhistoire à nos jours :pratiques, diversité, adaptation, usages,commerce et politiques. Série A. Séminaires Méditerranéens 2016. Numéro 118.

Camps-Fabrer H. 1985.L’huile d’olive en Méditerranée - L’olivier et son importance économique dans l’Afrique du Nord Antique. Institut de recherches et d’étude sur le monde arabe etmusulman. https://books.openedition.org/iremam/682

Denoyer P. 1951. PAUL BOURDE et sa forêt d'oliviers. Hommes et mondesNo. 64. pp. 242-246.https://www.jstor.org/stable/44204108?newaccount=true&readnow=1&seq=1#metadata_info_tab_contents

Laitman L. 1953. Le marché et la production de l'huile d'olive en Tunisie. Annales de géographie. p. 271-286.https://www.persee.fr/doc/geo_0003-4010_1953_num_62_332_13628

Leveau P. L’olivier en Méditerranée, entre Histoire et Patrimoine. L'olivier et l'oléiculture dans l'histoire et lepatrimoine paysager de la Tunisie. Pp. 409-431.

Voizard P.PaulBourde.http://www.memoireafriquedunord.net/biog/biog04_bourde.htm

 

 

author

Nesrine Abouriah

Ingénieur National en Production Agricole - Technicien Supérieur en Biotechnologie Végétale

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