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Aviculture

Biosécuité en élevage avicole: techniques de base et recommandations

PLAN DE L'ARTICLE

I-INTRODUCTION

II-DEFINITION

III-LES ZONES A RISQUE

IV-LES FACTEURS DE RISQUE

V-LES CONDUITES A TENIR

VI-RECOMMANDATIONS

VII-CONCLUSION

I-INTRODUCTION

Les succès de la filière avicole durant les dernières décennies ont  créé des conditions  favorables pour l’éclosion de maladies contagieuses émergentes ou évolutives. Ce nouveau visage de la pathologie aviaire peut se manifester sous forme insidieuse avec seulement un déficit immunitaire ouvrant la porte à d’autres infections, mais la plus part du temps on assiste à un complexe de symptômes et de lésions évoquant la suspicion de plus d’une maladie virale et bactérienne.

D’autres parts, l’augmentation de la taille des élevages, de leur densité régionale et le non respect des normes d’implantation ont permis l’émergence et la persistance de ces maladies.

Biosécurité

 

Dans ce nouveau contexte et malgré la bonne maîtrise des techniques d’élevage  et d’alimentation, la réussite ne peut s’accomplir qu’avec un haut niveau de prévention et de vigilance vis-à-vis le passage et la survie des agents pathogènes dans l’élevage.

Cette prévention sera basée sur un bon programme de prophylaxie sanitaire, de vaccination et de surveillance sérologique, un programme de nettoyage et de désinfection bien établi et surtout sur la mise en place d’un plan de biosécurité établi suite à une analyse de risques de l’exploitation et de la région.

 II-DEFINITION

La biosécurité dans les élevages avicoles est une stratégie qui permet la mise en place d’une barrière sanitaire pour empêcher tout mouvement des agents pathogènes. Ces mouvements se manifestent dans trois sens à savoir :

  1. l’entrée dans l’exploitation et dans les bâtiments d’élevage : Bioexclusion ou biosécurité externe.
  2. la survie et la persistance de ces agents dans l’exploitation : Biomanagement
  3. la dissémination dans le milieu extérieur et vers les autres élevages :     Bioconfinement .

 

III-LES  ZONES  A  RISQUE

On peut distinguer trois zones de grands risques: le schéma suivant montre combien les troupeaux peuvent-ils être exposés aux infestations.  

 

1. La région d’implantation 

Plus la densité régionale et la taille des élevages sont élevés, plus la charge microbienne dans l’air est grande et plus les risques de propagation des agents pathogènes sont élevés.

Dans ces régions on remarque un grand  trafic d’animaux, une activité inter-élevages importante (commerce, approvisionnement, visites…) mais aussi l’apparition de nouveaux réservoirs de maladies chez les éleveurs non engagés et inconscients de la gravité de leurs actes, les photos suivantes montrent des cours d’eau transformés en zones de déversement de lisière ; des litières non traitées entassées à proximité des élevages.

Biosécurité

Dans nos régions, il y a pire que ça, puisque les anciens élevages (bâtis durant les années 80 et 90)  sont très rapprochés les uns des autres, les bâtiments, elles même, ne sont pas disposés selon les cahiers des charges (voir photo aérienne suivante).  

Biosécurité

Zone d’élevage de poules pondeuses : sakiet eddayer / Sfax

2. La zone d’accès à l’établissement

C’est l’entrée de l’exploitation et c’est le passage vers l’intérieur de l’enclos de l’élevage : cette zone est plus facile à atteindre en absence  de barrière physique délimitant l’exploitation. Elle est susceptible de jouer le rôle de réservoir et de vecteurs de maladies surtout par manque de propreté et d’entretien.

3. La zone d’accès au bâtiment d’élevage

C’est la zone la plus dangereuse puisqu’elle représente la dernière étape qui permet aux agents pathogènes d’atteindre leur hôte. Ce sont les portes, les fenêtres, les lanterneaux, les conduites d’eau, le passage d’air (pad cooling…)

 

IV-LES  FACTEURS  DE  RISQUE

Ce sont les facteurs qui facilitent le rapprochement entre les agents pathogènes et leurs hôtes, soit par  transmission, soit par hébergement.

On distingue alors les réservoirs et les vecteurs.

1. Les réservoirs :

  • Un bâtiment mal nettoyé  et mal  désinfecté de l’intérieur et de l’extérieur (avec probablement un sol, un toit et des murs mal entretenus,  présentant des trous et des fissurations)  offrent des conditions favorables pour l’hébergement et la survie de la plus part des microbes et des vecteurs.
  • Les oiseaux peuvent jouer un rôle de porteurs sains de maladies communes.
  • Les rongeurs  et certains parasites (ex. poux rouges) hébergent les salmonelles.
  • Les matières fécales posent un grand problème puisque des virus tel que les myxovirus de l’influenza aviaire et de la maladie de New Castle et les poxvirus de la Variole aviaire et bien d’autres agents pathogènes peuvent y rester en vie des mois voir même des années sans perdre leur pouvoir pathogène.
  • Le matériel souillé et mal désinfecté tel que la chaîne de distribution d’aliment, la conduite d’eau avec présence de microfilm, les cages... héberge potentiellement des agents pathogène.
  • Les cadavres et les fosses à cadavres mal entretenus peuvent héberger et garantir le retour des microbes vers les bâtiments.

2. Les vecteurs :

  • Les oiseaux : de basse cours (poule, oie, canard, pintade, …), sauvages ou migrateurs, ont des pathologies communes. Ils peuvent jouer le rôle d’une source passive de la maladie ou la transmettre par voie active (respiratoire, digestive, …).
  • Les insectes et les acariens parasites sont de grands transporteurs de microbes vu leur contact continu avec les oiseaux (sains, infectés ou cadavres d’oiseaux morts), les aliments, les excréments et le matériel.
  • Les rongeurs sont des envahisseurs nocturnes (un rat peut cacher une centaine) : ils véhiculent beaucoup d’agents pathogènes en particulier les salmonelles.  
  • Les animaux domestiques, les chats, les chiens errants,… peuvent diffuser passivement les maladies.
  • Le personnel de l’établissement et les visiteurs (vétérinaires, vaccinateurs, réparateurs, contrôleurs STEG, CNSS, Santé, ANPE…) introduisent grâce à leurs vêtements et leurs chaussures et même leurs mains dans les bâtiments d’élevage des agents pathogènes virulents.
  • Les véhicules : le danger que présentent les véhicules qui se déplacent fréquemment d’un établissement à un autre et qui circulent parfois même entre les bâtiments d’élevage est considérable puisqu’ils portent et propagent les excréments et les déchets et tout autre support contenant des micro-organismes entre les élevages; ces véhicules appartiennent aux livreurs de gaz, d’aliment, d’alvéoles d’œufs, d’eau ou aux marchands et transporteurs de poussins, de poulets, de poulettes, d’œufs et d’autres produits (la liste est longue).
  • Le vent est le plus grave vecteur de maladie pour les élevages rapprochés et mal orientés vu sa vitesse parfois très forte et vu le contrôle difficile même en contrant les vents dominants.
  • L’eau souillée conduit les microbes jusqu’à la bouche des oiseaux.

 

V-LES  CONDUITES  A  TENIR

Le potentiel de production d’un troupeau ne peut être extériorisé que si ce troupeau  dispose d’une bonne alimentation, un bon confort et une bonne santé.

Le confort des animaux est imposé par les cahiers des charges, les autorisations qui donnent suite à l’agrément sanitaire et à la carte professionnelle.

La bonne santé du troupeau, quand à elle, est étroitement liée aux préparatifs de mise en place, à savoir le nettoyage et la désinfection avec tout ce qui s’en suit, ceci d’une part, d’autre part elle reste dépendante de la vaccination et des bonnes pratiques sanitaires, mais vu le nombre de maladies ré-émergentes et les nouvelles formes  de virus  variant (revoit tableau 1 susvisé), la vaccination se trouve insuffisante voir même inefficace.

De ce fait le détenteur de l’élevage doit améliorer ses bonnes pratiques sanitaires par la mise en œuvre de mesures de biosécurité qui lui sont parfois imposées par la réglementation existante.

Ces mêmes règles de biosécurité empêcheront le départ et la dissémination des agents pathogènes vers l’extérieur et la création de réservoirs de maladies.

Le plan de bio sécurité doit être établi par le vétérinaire responsable de l’élevage et contrôlé officiellement par les services vétérinaires de l’état. Ce plan tient compte des trois zones à risque cités précédemment à savoir les abords de l’établissement, la cour de l’établissement et les abords des bâtiments.  

 

1. Les abords de l’établissement

  • L’établissement doit être protégé par une clôture capable d’empêcher le passage non autorisé de personnes ou de véhicules, les entrées de l’établissement doivent être gardées et munies de rotoluves bien entretenus pour la désinfection des roues et/ou de dispositif supplémentaire de désinfection des véhicules (voir photos suivantes).    

Biosécurité

  • Il est important de réduire au maximum l’accès inutile des véhicules à l’intérieur de l’établissement et garantir le principe de la marche en avant et passages des secteurs propres vers les secteurs souillés.
  • L’administration, la réception, le stockage, les vestiaires  et le départ des produits doivent se situés loin des bâtiments et dans la mesure du possible ouvrir vers l’extérieur de l’enceinte de l’élevage. 

2. La cour de l’établissement

  • Elle doit être terrassée, propre, lisse, facile à nettoyer et à désinfecter et désinsectiser, donc : pas d’eau courante ou stagnante et pas d’aliment découvert, surtout dans la zone des silos. L’objectif est de ne pas permettre aux oiseaux, aux insectes et aux rongeurs de s’installer et de trouver de quoi se nourrir et ou s’abriter et se reproduire. A ce niveau, commence aussi le programme de lutte contre les rongeurs par mise en place d’appâts.
  • La fosse à cadavre est le meilleur moyen pour éliminer les cadavres d’animaux morts, elle doit être bien entretenue : fermeture étanche empêchant les carnivores de roder autour et les mouches d’y pénétrer et d’en ressortir et re-disséminer les microbes dans les bâtiments et vers les établissements à proximité. L’épandage de la chaux à l’intérieur et autour de la fosse peut être bénéfique.   
  • La circulation à l’intérieur de l’établissement doit être limitée, le personnel doit  mettre les vêtements de travail fournis par l’administration et limiter ses mouvements à son  poste  de travail (bâtiment, ramassage, transport,…)

3. Les abords des bâtiments

Un sas sanitaire  est exigé dans les cahiers de charge et dans les procédures de biosécurité: il s’agit d’une chambre annexée au bâtiment et fournie l’unique accès vers l’intérieur (à part les grandes portes de service). Il doit être muni de :

  • deux parties séparées appelées zone sale  (accès extérieur) et zone  propre  (accès intérieur).

Biosécurité

  • un lavabo fonctionnel avec eau chaude et froide, savon, serviette et poubelle.
  • un sol facile à nettoyer et à désinfecter.
  • une tenue spécifique pour le bâtiment (bottes ou chaussures, vêtements et coiffe).

Biosécurité

  • au moins deux portes manteaux
  • des pédisacs et tenues pour les visiteurs

En cas d’utilisation de pédiluve, celui-ci doit être bien entretenu.

  • Les fenêtres, les lanterneaux et les extracteurs d’air ainsi que les systèmes de refroidissement (pad cooling)  doivent être protégés et ne donnent pas aux oiseaux la chance d’accéder.
  • Un programme de lutte contre les nuisibles doit être mis en place et appliqué à la lettre et suivi périodiquement.
  • Le contrôle microbiologique de l’eau et la maintenance des réservoirs et des canalisations se font avant le repeuplement du bâtiment.
  • Le personnel doit être contrôlé médicalement. Il  doit subir des cessions de  formation en matière de biosécurité pour en respecter les règles, en particulier celles relatives aux bonnes pratiques sanitaires quelle soient vestimentaires ou techniques. 

 

VI-RECOMMANDATIONS

  • Restreindre l'admission au personnel essentiel.
  • Restreindre l’accès aux véhicules indispensables, les soumettre au lavage et à la désinfection ou à défaut les faire passer sur un rotoluve contenant un désinfectant  pour les roues.
  • Noter toutes les entrées.   
  • Fournir des tenues de travail ou de visite spéciales dans chaque bâtiment.
  • Pour les élevages de reproducteurs,  installer des douches pour les visiteurs.
  • Enlever les animaux morts chaque jour et entretenir la fosse à cadavre.
  • Réduire au minimum l'entrée d'équipements et de fournitures, et prendre les mesures nécessaires comme la désinfection et le retrait des boites d'envoi.
  • Maintenir un très bon programme de lutte contre les vecteurs de maladies surtout les insectes, les mammifères et les oiseaux. Poser des grillages fins ou des moustiquaires sur les fenêtres les lanterneaux, les entrées et les sorties d'air, les portes et les sorties de silos.
  • Ne laisser aucun débris autour des bâtiments et autour des silos et garder la végétation au minimum afin de limiter la nourriture et les refuges pour les vecteurs.
  • Maintenir les sources d'aliments, d'eau et de litière exemptes d'agents infectieux.
  • Traiter les fientes par desséchage à chaud ou par désinfection.
  • Réviser régulièrement avec le vétérinaire responsable de l’élevage le plan de biosécurité, de nettoyage et de désinfection et le programme de santé du troupeau, y compris les normes de vaccination.
  • Former et convaincre tout le personnel en biosécurité et sa nécessité en élevage avicole

VII-CONCLUSION

  • La bio sécurité est donc un ensemble de mesures qui visent à protéger les troupeaux de tous les dangers qui menacent leur santé et par conséquent causer des pertes économiques et/ou devenir un danger pour l’homme (cas de l’influenza aviaire et des salmonelles). Ces dangers sont des agents pathogènes véhiculés par des vecteurs et hébergées dans des réservoirs. Ces mesures ne peuvent être efficaces que lorsque tous les éleveurs y adhèrent, c’est donc une action collective évidente pour ne pas  entretenir  les réservoirs et activer les vecteurs. 
  • La communication entre les membres de la filière est indispensable et l’échange en temps réel des informations est obligatoire. Cela permet de renforcer les défenses et d’élever le niveau d’alerte pour circonscrire le danger avant sa propagation.
  • La formation  de tous les intervenants dans le  secteur est le meilleur guide des bonnes pratiques sanitaires.
  • Enfin, la clé de la réussite du plan de biosécurité est la conviction de toute l’équipe en action, en particulier le décideur, le contrôleur et le personnel. Quand le décideur est convaincu il peut mettre à la disposition les moyens nécessaires ; quand le contrôleur est convaincu, il peut diriger, obliger et surveiller le personnel, les visiteurs et toutes les démarches ; et enfin, quand le personnel est convaincu, rien ne sera difficile à réaliser.
author

Hatem HADJ KACEM

Médecin Vétérinaire, Ex Inspecteur régional au Ministère de l'Agriculture, des Ressources Hydrauliques et de la Pêche

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